Les Fraissinet et le commerce de l’alcool à Sète et Montpellier au XVIIIe.

 

Comme nous l’avons vu dans l’article précédent,  Jean et Marguerite Fraissinet sont cousins germains.

Le père de Jean, Antoine Fraissinet est né le 10 janvier 1693 à Montpellier.
Comme il est d’usage chez les protestants qui font semblant d’être catholiques pour échapper aux persécutions, il est baptisé deux jours plus tard, en l’église Sainte Anne, avec des parrains et marraines qui ne sont que des prêtes-noms.

Son frère aîné,  Jean  Isaac Fraissinet, père de Marguerite, est né en 1690. C’est l’époque de la construction de la promenade du Peyrou à Montpellier.

La france vit une époque troublée : en guerre contre  la plupart de ses voisins tandis que des troubles religieux  éclatent dans les zones protestantes du Massif central.

La famille comprend trois frères, tous négociants, l’un à Montpellier ( Jean Isaac), l’autre à Sète (Antoine), le troisième Marc (1698-1767)  décide  de fuir les persécutions et d’émigrer. Il représentera la maison à Amsterdam, ville avec laquelle les affaires sont florissantes. Il y épousera Constantia Marie Van Arp.

Il existe peut-être une soeur, Suzanne, future épouse de David Bazille, mais je n’en suis pas sûre. Peut-être est elle une tante. Toute précision à ce sujet est bienvenue.

En ce début du XVIII, la maison Fraissinet est déjà une maison de négoce très importante du Languedoc. A Sète, port créé en 1666, elle ne se situe pas parmi les plus importantes mais occupe une place honorable :

« Le vingtième de l’industrie créé en1749, fixe sur tous les revenus permet de situer les négociants sétois. Sur 27 négociants, la taxe moyenne est de 27 livres. Le protestant le plus imposé est Rogé- Flickwiert avec 59 livres, suivi de Bresson et Bousquet, catholiques, pour 58 et 51 respectivement. Fraissinet paie 35 livres (1) »

Plan ville de Sète

Ancien plan de Sète (Cette). Source (5)

A Montpellier, la maison de commerce est co-dirigée par Antoine associé à  Isaac Jean et à son père. La famille possède une propriété près de la Porte du Peyrou où ils travaillent.

Trois activités sont pratiquées par la compagnie :

A : Le commerce de vin et d’alcools. C’est l’activité principale.

Montpellier et Sète, très bien situés en pays vinicole exportent vins et alcools dans l’Europe entière et attirent toute une population spécialisée : négociants, tonneliers, maîtres de chai. « Dès 1680, port,chenal et canal achevés, c’est la voie royale qui s’ouvre pour les produits de la vigne (2  ter). »

Pour approfondir le sujet voir (1), (2, bis, ter).

A Sète, les établissements Fraissinet ont un rôle logistique :
«  Chargés d’organiser les chargements des bâtiments de mer, ils comportent à la fois un comptoir, destiné à la tenue des livres et à la réception des capitaines, et des entrepôts ouverts sur le quai du canal d’où s’effectue l’embarquement de leurs marchandises. Ils emploient deux types de personnels spécialisés avec, d’une part, des commis fréquemment originaires du nord de l’Europe, recrutés pour leur capacité à communiquer avec les capitaines étrangers en escale, et, d’autre part, un personnel de cave. (2)  »

Les Fraissinet possèdent dans le port (2):

– vers 1750 deux maisons donnant à la fois sur la Grand rue et sur le quai du canal.

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Maisons d’époque entre la Grand rue et le canal. Photo: C. Méchin.

– en 1763 trois maisons et un grand magasin qu’ils ont fait construire sur la Rive neuve, de l’autre côté du canal, sans doute dans l’espace entre le quai du Nord et la Rue Neuve du Nord, qui correspondent aujourd’hui au quai Noël Guignon (photo ci-dessous) et à la rue Maurice Clavel.

quai guignon

Quai Guignon.  L’une des maisons Fraissinet ? Photo : @2017 Google. Image de juillet 2016.

– deux autres magasins situés du côté de la ville, dont l’un sert de comptoir et l’autre, dénommé « magasin du dehors », possède une fabrique d’eau-de-vie.
– un magasin établi sur le port d’étang de Marseillan.

« Antoine devient chargé des affaires sétoises. Il réside à Sète toute sa vie sans cesser pour autant d’être considéré comme un négociant montpelliérain. En 1749, le décès de son frère Isaac le laisse seul à la tête de la firme. Mais pour peu de temps, car il y fait entrer l’un de ses fils, Marc, en 1753 (2). »

B : L’armement maritime
« Il permet de viser des marchés que leurs transporteurs habituels du Nord de l’Europe ne fréquentent pas Dès les années 1720, les registres de l’amirauté de Sète enregistrent des prises de participations Fraissinet sur de nombreux bâtiments (2)».

C : Le négoce de produits complémentaires trafiqués sur tout le bassin occidental de la Méditerranée : céréales, bois, cercles de futailles, laines et draperies.

Un bilan établi en 1763 montre l’étendue des activités de l’entreprise : « Derrière la Hollande, où se rencontre son principal créancier, se trouvent Hambourg et Saint-Pétersbourg. L’Espagne, l’Italie (Gène), le Ponant (Rouen Dunkerque), la Méditerranée orientale (Le Caire), le Midi de la France (Marseille, Toulouse, Bordeaux), et enfin Genève, ne viennent que bien plus loin pour le montant de leurs engagements (2). »

La plupart des faillites Fraissinet entre 1730 et 1770 sont liées à un état de guerre. Notons que les Anglais occupent Sète deux jours en 1710 mais en sont chassés par le duc de Noailles.

Vie familiale

Antoine épouse le 1er mars 1718 à Montpellier, Notre-Dame-des Tables, Jeanne Boichon (1692-1782) – ou Boischon – fille d’un Maître fourbisseur, c’est-à-dire un spécialiste de l’entretien des armes (3).

Ils auront huit enfants:
1) Antoine Isaac né en 1719
2) Jean 1720-1790
3) Isaac 1721
4) Barthélémy
5) Marc III (1732-1801) qui prend la succession de son père à Sète
6) Marie Constance (1733-1801) épouse Jean David Baux en affaire avec son frère Jean à Marseille.
7) Marie
8) une fille morte en bas âge

Il décède le 31 octobre 1760 à Montpellier est est inhumé le 3 novembre

Les dates sont moins précises pour Jean Isaac (4) et (6). Il se marie deux fois, la première, en 1722, à Ganges (34), avec Anne Gervais, dont :
1) Thérèse Marguerite ( 1723-1778)
2) Marc

La deuxième, à Montpellier, le 27 mars 1727, avec Marie Tesses, fille de Pierre Tesses, notaire, dont :
3) Typhaine Marie (1731-?)
4) Pierre
5) Isaac V

et meurt en 1749 à Montpellier.

Un quai Fraissinet a longtemps existé à Sète. La carte postale ci-dessous montre bien l’activité de négoce du vin qui s’y déroule.

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Ce quai se nomme aujourd’hui quai de la République. Au n° 6 place Dellille se trouve toujours l’immeuble Fraissinet – Lapeyssonie. Je ne sais s’il date de cette époque ou s’il a été construit plus tard par les descendants de Marc Fraissinet (1732-1801), l’un des fils d’Antoine qui repris les affaires de son père à Sète.

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n° 6 place Delille au coin du quai de la République. Ancien immeuble Fraissinet-Lapeyssonnie. Photo de Juillet 2016. @2017Google.

Sources :
(1)  « Les protestants de Sète » par Jean-Claude Gaussent. Lacour ed. 1993.

(2)  Lionel Dumond, « Maisons de commerce bas-languedociennes et réseaux négociants méridionaux : l’exemple des Balguerie et des Fraissinet (XVIIIe-XIXe siècles) », Liame [En ligne], 25 | 2012, mis en ligne le 05 décembre 2012, consulté le 01 octobre 2016. URL : http://liame.revues.org/282 ; DOI : 10.4000/liame.282

(2 bis) « Sète et son commerce de vins et eaux-de-vie au XVIII et XIXe siècles » par J.C Martin. Revue d’Archéologie et d’Histoire de Sète et sa Région. Tomes 29 à 33. 2008.

(2 ter) « 1666 Sète. Imaginer un port faire une ville » par Djiin et Christophe Naigeon. Foxtrot ed. Sète.

(3) Archives départementales de l’Hérault. Mariages 1719

(4) Géneanet / Marc Bajet et  Prenividaud

(5)  Société d’Etudes Historiques et Scientifiques de Sète et sa Région (SEHSSR)

(6) Archives Fraissinet. Marseille.

 

 

 

 

 

 

 

 

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