A la lecture du carnet noir je suis frappé par la faible importance des événements historiques nationaux à peine mentionnés.
Dans son petit village d’Hattstatt, Francois Xavier (1779-1852) a traversé:
– La révolution de 1789. « En 1788 le froid fut à nouveau tel que le Rhin gela et qu’on le traversa en chariot pour atteindre Vieux-Brisach. La même année débuta la Révolution française. »
– La guerre contre l’Autriche en 1792. Pas de mention.
– La fin de la campagne de russie et l’arrivée des cosaques venus en renfort des autrichiens (1804). Pas de mention.
– La confédération du Rhin (1806-1813)
« Forgeage pour les troupes alliées que moi, Xavery Fimbel, forgeron à Hattstatt, ai livré et fait quotidiennement: Le 29 juin 1811 j’ai livré 50 nouveaux fers à cheval à 15 sols l’unité…..37*10c
Le 30 juin j’ai posé 10 fers, 8 de la commune …3*10c
Le 31 juin j’ai posé 18 fers pour les cuirassiers. Ils sont de plus venus chercher du pain et du vin. 4 morceaux de la commune……………………………..7*8c
Le 4 juillet j’ai posé 2 fers……1*10 »
– Le complot de la charbonnerie à Colmar tout proche. Pas de mention.
– Le réaménagement du cours du Rhin ( 1820-1846). Pas de mention.
– La restauration. Pas de mention.
– L’arrivée de Napoléon III. Pas de mention.
Son fils, Ignace (1817-1866) est plus bavard et mentionne lui la crise économique grave de 1847 qui déboucha sur des émeutes de la faim durement réprimées.
« Description 1847
La hausse des prix a continué en 1847 jusqu’à ce que le quart de blé ait augmenté jusqu’à 55 francs. Et ainsi l’un après l’autre – une miche de pain noir coûtait 26 sous, et les pommes de terre sont montées à 15 francs. De plus la même année chez nous les vignes ont gelé, fin 1846 le 9 et 10 décembre, en une nuit, mais le deuxième [Gelend??] est resté bon, et au printemps il y a eu tellement de semence, on avait jamais vu les vignes si hautes. Mais ce qui s’est passé c’est que comme on a eu un si bon printemps, déjà en mai il a fait plus chaud que le plus chaud des étés. Et le 29 mai il y a eu un lourd orage et de midi à 2 heures la grêle est tant tombée, de mémoire d’homme on n’avait pas vu tant de destruction et de perte. Après la récolte tout est devenu bon marché. La miche de bain a baissé à 7 sous et les pommes de terres à 18 sous. Chez nous il n’y a eu que très peu de vin, mais de bons fruits et il y a eu plein de nourriture et il n’y eut pas d’hiver froid. »
Les élections de 1848 et la naissance de la seconde république sont mentionnées par « En l’an 1848 le 24 février nous sommes devenus une république, il y a eu de grandes émeutes dans le pays parce que comme le pays a beaucoup de dettes tous les citoyens ont dû payer 9 sous, dans tout le pays. »

Fontaine Sainte Colombe construite en 1845 alors que François Xavier et Ignace Fimbel vivent au village. Source: Ralph Hammann CC BY-SA4.0 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0 via Wikimedia Commons
La préoccupation économique, le souci de la dépendance aux récoltes restent constants et prévalent sur la politique.
« Ensuite il y eut à nouveau des élections, le 13 mai 1849 pour 700 députés qui partirent à Paris et sont payés 4000 francs par an. Louis Napoléon a été élu président du peuple. La même année, il y eut pas mal de blé, beaucoup de foin et de légumes et du vin mais en quantité négligeable.
1850 la même année qu’en 1849 il y eut suffisamment de tout sauf de pommes de terre qui sont devenues noires. Il y eut du vin mais pas tellement et ça a peu convenu.
1851 fut une mauvaise année, une année infernale, il plut tout le temps, tout ce qui a poussé était faible et les pommes de terres étaient à nouveau noires. Il y eut du vin mais aussi peu qu’en 50. 1852 et 1853 furent en tout point comme les deux années précédentes, la dernière cependant était encore plus humide. Le foin et les fruits n’ont pas pu être rentrés à cause de l’humidité, mais les pommes de terre ont bien poussé, et le vin est devenu un peu meilleur, à peu près comme celui de 1849, mais en très petites quantités parce que les vignes fleurirent mal à cause de la pluie. La même année Louis Napoléon fut fait empereur. »
En définitive on n’apprend malheureusement rien sur les fêtes de famille, la vie du village d’Hattstatt, les relations avec les voisins, les protestants ou les autorités locales. On perçoit seulement la dureté de la vie et la dépendance totale à l’agriculture locale.