Joseph Michel Antoine Aubry : une vie mouvementée

Joseph Michel Antoine Aubry, écuyer, sieur de la Noë, est officier de garnison du régiment de Chartres infanterie. Il est appelé noble homme ce qui est preuve de noblesse en Normandie mais pas toujours ailleurs. La noblesse est confirmée par la mention «écuyer ».

Officier au régiment de Chartre infanterie. Le régiment a été créé le 14 novembre 1691 à Chartres. Le site ancestramil qui recense les fiches du Général Susane sur les divers corps de l’armée française (Susane, 1876), nous explique que :

« Revenu sur le Rhin au commencement de 1758 le régiment de Chartres cessa de faire partie des armées actives et fut exclusivement employé à la garde des places jusqu’à la fin de la guerre… Pour la période qui nous préoccupe, en 1784, le régiment est commandé par Jacques Philippe VERNON du HAGET, il se trouve à Valenciennes puis au Quesnoy en 1785. Le 1er janvier 1784 il se trouve à Charlemont en octobre 1786, à Givet en juin 1787, à Landrecies et Avesnes en mars 1788. Au mois de juillet de cette année il se rend à Blois, et il revenait à Avesnes en octobre. Il fut de là à Givet et à Charlemont en avril 1789, et il revint encore une fois à Avesnes en juin 1790 pour passer à Douai au mois d’octobre.« 
Un document de famille raconte que Joseph Michel Antoine est entré au service comme volontaire, en 1773 et qu’il a été officier dans les régiments provinciaux de Mantes et de Chartres, jusqu’en 1785. Il m’est impossible de vérifier ces informations à Vincennes au Service des armées car les documents concernant ces régiments sont en cours de numérisation mais cela correspond aux indications mentionnées sur les actes de baptème des enfants.

Propriétaire terrien

Le document raconte ensuite qu’il s’est installé à Tourlaville en forêt de Brix, où il prit des terres « en fief » du comte de Provence et a créé la ferme de l’Aubrisserie dont la perte est toujours dans la mémoire familiale.

Ces éléments semblent exacts. En effet :
Ses deux derniers fils sont nés à Tourlaville qui est, à cette époque, en pleine forêt de Brix.
L’histoire du comte de Provence semble réelle : « Forêt royale, autrefois immense, qui couvrait jusqu’au début de l’époque moderne une grande partie du Cotentin, la forêt de Brix a été progressivement défrichée, les derniers pans étant aliénés par Louis XIV au profit de Phélipeaux, puis revendue à Louis-Stanislas-Xavier de France, comte de Provence, frère de Louis XVI qui la sous-inféode à des défricheurs. »
L’Aubrisserie figure sur le cadastre Napoléonien de Tourlaville (1814) près de la Glacerie aujourd’hui sur la commune de Cherbourg. Cette propriété est tellement mythique dans la famille que je décide d’en avoir le coeur net et prends rendez-vous avec l’actuelle propriétaire qui ne peut m’en dire plus. Il ne reste pas grand chose du lieu qu’a connu Joseph Michel Antoine mais l’allée figurant sur le cadastre existe toujours et la disposition des bâtiments est la même.

La ferme est assez isolée, le défrichage de la forêt se sent encore. La propriétaire m’a raconté que le toit était tenu par des troncs d’arbres entiers (malheureusement enlevés depuis) lorsqu’elle a repris les bâtiments qui étaient en ruine. Les bois commencent à quelques centaines de mètres…

Royaliste

Joseph Michel Antoine doit choisir entre la royauté et la République et il choisit la royauté. Le nobiliaire universel de France (Viton de Saint Allais,1836) indique qu’il fût chef de division des armées catholiques et royales de l’ouest en 1790, le Bulletin de l’Avranchin nous apprend que « rentré d’émigration en 1796, il organisa la division de Dives et fut arrêté en 1804 pour la conjuration de Cadoudal. La restauration le nomma gouverneur d’un des palais royaux».

Quelle trace trouve-t-on de son émigration ?

La chouannerie normande est moins connue que celle de Bretagne ou de Vendée. Elle est menée par Louis de Frotté lors de deux campagnes (1795-1796) et (1799-1800). Michel Antoine Joseph aurait donc participé à la deuxième. De fait, son nom est mentionné dans l’ouvrage de La Sicotière (1889) sur Louis de Frotté l’un des chefs de l’insurrection normande et dans les mémoires de deux chouans : Michelot Moulin (Moulin,1893) et Billard de Veaux, (Billard de Veaux, 1814) mais de façon peu flatteuse. Le premier mentionne que la division de Dives, organisée avec Bruslart « ne rendit que peu de services au parti », le second partage la même opinion : « Deux jours après, (Monsieur de Montciel) m’écrivit pour m’engager à passer chez lui aux Tuileries sur les huit heures du soir. Je m’y rendis avec M. de Lanoë-Aubry qui m’avait prié de le lui présenter. (Il ne m’a pas présenté depuis à ses connaissances, lui qui en avait de si bonnes et qui avait fait si peu de choses, pour ne pas dire rien!) ». Billard de Veaux ne l’apprécie pas du tout et en parle plusieurs fois de façon méprisante dans ses mémoires (mais il en est ainsi pour la plupart de ses anciens camarades). Joseph Michel Antoine ne lui en veut pas puisqu’il fait partie des « officiers supérieurs de l’armée catholique et royale de Normandie » signataires des états de services de Billard de Veaux, le 13 juin 1814. D’après le Bulletin de l’Avranchin, Joseph Michel Antoine est ensuite pris dans la deuxième conjuration de Cadoudal contre Bonaparte.

Avec quelques conjurés Cadoudal tente de mettre au point un plan visant à enlever Bonaparte et à le livrer aux Britanniques. Il gagne à sa cause le général Jean-Charles Pichegru mais ne parvient pas à s’entendre avec le général breton et très républicain Jean Victor Marie Moreau.Trahi, Cadoudal est arrêté par la police de Fouché le 9 mars 1804. Du 27 mai au 9 juin il est jugé avec plusieurs autres conjurés, il reconnait avoir comploté contre le premier consul mais nie avoir participé à l’attentat du 24 décembre 1800. Cadoudal est finalement condamné à mort, ainsi que 12 autres conjurés, et exécuté le 25 juin 1804. » La consultation de l’acte d’accusation de Cadoudal ne me permet pas de retrouver le nom de Joseph Michel Antoine parmi les accusés ce qui laisse penser qu’il a joué un rôle mineur dans cette affaire.


Gouverneur

Puisque Joseph Michel Antoine a émigré, l’Aubrisserie a peut-être été vendue comme bien national. Malheureusement la liste des biens nationaux n’existe plus pour Tourlaville. Si cela n’a pas été le cas, participer à une conspiration contre Bonaparte n’était pas la meilleure façon de se voir restituer ses biens.
Après la restauration, en 1814, Joseph Michel Antoine est dit gouverneur d’un des palais royaux, celui de Rambouillet selon le document familial (il existe une section « Maison du Roi » aux AN de Pierrefite qui sera à explorer lors d’un prochain voyage en France pour en avoir la preuve). Il est fait chevalier de Saint-Louis le 20 août de la même année et se retire à Caen où il meurt le 20 février 1836. L’acte de décès mentionne que Joseph Michel Antoine était né dans la paroisse Saint Jean de Caen et qu’il est âgé de quatre vingt ans, neuf mois. Son acte de baptème date du 26 mai 1755. Le parrain est Guillaume Leroy, la marraine Marguerite Lecarpentier qui signent tous les deux.

Mariage

Il avait épousé Marie Anne Angélique Duprey le 19 février 1783 à Carpiquet (Calvados) et obtenu pour cela, une dispense de bans enregistrée au greffe des insinuations du diocèse de Bayeux. De ce mariage naissent trois enfants :


La dernière adresse du couple est le 37 rue de Bretagne, Bourg l’Abbé.

Sources:

https://www.ancestramil.fr/cms/recherche-au-shd-vincennes.html Consultation 4 octobre 2018.

Archives départementales du Calvados

Frederic Delanoë (1789 – 1861) peintre d’histoire

Frédéric est né à Tourlaville  le 8 juillet 1789. Comme ses frères Jean Baptiste Joseph et Antoine,  il vit à Valognes avec sa mère Angélique Duprey de Mesnillet pendant la Terreur,  retourne travailler la terre de l’Aubrisserie à l’adolescence puis doit vite trouver un emploi.

Doué pour le dessin, peut-être inspiré par les oeuvres de son grand-père Joseph, il devient l’élève de David. Il signera d’ailleurs une pétition  des anciens élèves du maître à Louis XVIII pour demander le retour en France du peintre émigré, sans résultat. (5)

Peintre d’histoire, il expose au Salon de Paris de 1822 à 1838. En 1830 il quitte Paris au moment de la révolution de juillet qui voit la chute de Charles X et s’installe à Pontlevoy près de sa belle-mère. De 1835 à 1846, il est professeur de dessin au collège de Pontlevoy et a laissé plusieurs fresques dans la chapelle de l’établissement. Cet emploi ne suffit pas à nourrir sa famille. De retour à Paris, il habite rue d’Enfer ( où se trouve maintenant l’école des Mines boulevard Saint Michel)  et obtient la charge de commissaire du Gouvernement aux chemins de fer de Sceaux en 1848. Il a près de 60 ans. Il meurt à Paris le 24 septembre 1861.

Il épouse sa cousine germaine, Louise Adelaïde Duprey de Mesnillet ( 1794-1852) le 23 mars 1823.

De cette union naîtront  quatre enfants :

Paul Emile en 1826. Il semble être mort dans l’enfance

Pauline en 1827.  Célèbre pour sa beauté, elle meurt à 19 ans en 1847 à Paris.

Sophie (1828-1900)

Albert (1841- 1885)  sujet d’articles précédents voir ici et ici

Liste des oeuvres (4)

Date inconnue

  •  Philippe d’Orléans. Musée de Versailles (4)
  • Femme dans un intérieur
  • Portrait du Roi Louis Philippe. Musée de Vernon (27)
  • St Vincent de Paul prêchant à des villageois. Eglise Saint Germain l’Auxerrois, Paris (4)
  • Portrait de sa fille Sophie
  • Portrait de son neveu

Date connue :

  • 1818 Mort d’Alcibiade (1)
  • 1819  Tobie
  • tobie
  • 1821 Cephaîe et Procris (1)
  • 1822 La mort de Procris (présenté au salon de 1822) (2)
  • 1824 Mort d’Héraclée
  • 1827 Sainte famille. Eglise Saint Jacques du Haut-Pas, Paris. (4)
  • 1827 Saint Jean écrivant l’Apocalypse à Patmos. Cathédrale de Montauban.
  • 1830 Portrait de femme en pied
  • 1834 Portrait du cardinal d’Amboise
Georges Ier, cardinal d'Amboise (1460-1510)

 

Vouet Simon (1590-1649) (d’après) Georges Ier, cardinal d’Amboise (1460-1510) Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon Photo (C) RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

1835

  • Portrait de Pauline Delanoë sa fille.
  • Jean-Mathieu-Philibert Sérurier, lieutenant-colonel au 68e de ligne en 1792 (1742-1819). Musée de Versailles.
Delanoe Frédéric (1800-vers 1870). Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon. MV2390.

Delanoe Frédéric 
Jean Mathieu Philibert Serurier (1742-1819)
Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
Photo (C) Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin

Sources :

(1) Augustin Deloye. « Notice des tableaux exposés dans les galeries du Museum-Calvet à Avignon » Publié sous les auspices de l’administration du MuséeSeguin frères, ed. 1872

(2)  C.P. Landon « Annales du Musée et de l’École moderne des beaux-arts: Recueil du salon de 1822 ». Bureau des annales du Musée ed. 1822

(3) Charles Gabet. « Dictionnaire des artistes de l’école française, au XIXe siècle: peinture ». Madame Vergne ed. 1831.

(4) Bénézit, Emmanuel. « Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs & graveurs de tous les temps et de tous les pays ». Vol 2. Ernest Gründ ed. Paris. 1924

(5) L’intermédiaire des chercheurs et curieux : questions et réponses, communications diverses à l’usage de tous, littérateurs et gens du monde, artistes, bibliophiles, archéologues, généalogistes, etc.. Vol 18. Paris, 1913.

©Isabelle Scherer